Villiers-le-Bel : le témoin clé au procès des émeutiers se rétracte
Christopher B. affirme aujourd’hui avoir fait un faux témoignage à la demande des policiers au procès des tireurs présumés des émeutes de 2007 à Villiers-le-Bel.
22.09.2010, Le Parisien
C’était le témoin clé du procès des tireurs présumés des émeutes de novembre 2007 à Villiers-le-Bel. Christopher B., qui avait clairement mis en cause deux des cinq accusés dans cette affaire, explique aujourd’hui, par la voix de sa nouvelle avocate, Me Alexandra Hawrylyszyn, avoir fait « un faux témoignage à la demande des policiers et du parquet ».
En juin dernier, quatre hommes et leur complice présumé comparaissaient devant la cour d’assises du Val-d’Oise à Pontoise pour avoir ouvert le feu et blessé 96 policiers lors des violences urbaines qui avaient suivi la mort de deux jeunes dans la collision de leur minimoto avec une voiture de police en novembre 2007.
Lors du procès, Christopher B. avait été le seul témoin à se présenter à visage découvert et ce, malgré les « pressions » et les « menaces » qu’il affirme avoir reçues les mois précédant l’audience. Aux jurés, l’homme avait relaté une conversation entre deux accusés, Adama Kamara et Maka Kante, qu’il aurait entendue en mars 2008. Alors qu’il se trouvait en détention dans le cadre d’une autre affaire, il s’était retrouvé dans les geôles de la cour d’appel de Versailles aux côtés des deux suspects. « Le premier a dit : J’ai tiré sur les policiers, mais ils n’ont pas de preuve, on va sortir bientôt. Le second : Je vais dire que j’étais à la mosquée. Ça va passer tranquille », avait déclaré Christopher B. à la cour.
L’avocat des condamnés réclame leur remise en liberté
Au départ, c’est lui qui prend contact avec le procureur pour relayer « les bruits de couloir entendus en détention, espérant percevoir une récompense pécuniaire », relate son avocate. « Ensuite, on lui a demandé de faire un faux témoignage en échange de sa remise en liberté et d’autres promesses, comme celle de récupérer son permis de conduire », poursuit son conseil qui compte déposer plainte pour subornation de témoin. Selon elle, son client a bel et bien croisé les deux accusés mais « les propos ont été déformés par les policiers ». L’un des deux mis en cause aurait ainsi dit « Ils disent que j’ai tiré alors que c’est même pas vrai, j’étais à la mosquée », rapporte-t-elle.
C’est l’annonce du verdict, de trois à quinze ans de prison ferme, qui aurait ébranlé le témoin. « Il a pris conscience qu’il fallait que vérité soit faite », poursuit Me Hawrylyszyn.
Un revirement qui a l’effet d’une bombe pour la défense. Me Patrick Arapian, qui défend trois des cinq condamnés, a décidé de demander leur remise en liberté. Aujourd’hui, quatre accusés dorment toujours en prison dans l’attente d’un nouveau procès en appel. « C’est l’ensemble de l’instruction qui est entachée. S’il y a eu des pressions sur Christopher B., cela nous amène à nous interroger aussi sur les déclarations des témoins sous X », confie Me Arapian.
Des propos démentis par la procureur de la République, Marie-Thérèse de Givry. « Christopher B. a dit ce qu’il avait à dire sans aucune pression », affirme-t-elle, ajoutant que son témoignage n’était « pas essentiel ». « Il n’a fait que rapporter des propos, ce n’est pas un témoin direct », conclut la magistrate. La police judiciaire de Versailles, qui s’était occupée de cette enquête, n’a pas souhaité faire de commentaires.