lundi 5 avril 2010

Déclaration lue devant la cour par un des arrêtés du 23 février 2010 à Turin

Tous les arrêtes de Turin ont été relâchés de prison, Andrea, Fabio et Marco ont l’obligation de pointer tous les jours et Paolo trois fois par semaine. Luca a une interdiction de quitter la ville de Turin. Maja et Massimo n’ont plus aucune restriction. Pour des informations sur ces arrestations, voir ici. Ci-dessous, la déclaration devant la cour de l’un de ces compagnons.



La plupart des accusés de ce procès sont des anarchistes, et accuser des anarchistes d’« incitation au crime » est une tâche très facile, comme tirer sur la Croix-Rouge.

Portant un sens de la justice et de la liberté qui n’a aucun rapport avec la loi, chaque anarchiste fait de sa vie une invitation continue à lutter contre l’injustice et donc à violer les lois qui produisent une telle injustice : la vie de chaque anarchiste est une longue et incessante « incitation au crime ».

En attendant qu’un certain pas légal soit franchit, qui établirait finalement que les anarchistes en tant que tel sont des criminels, ceux qui nous accusent sont aujourd’hui contraint à prouver que quelqu’un, de l’extérieur, a poussé des prisonniers immigrés partout en Italie à se révolter chaque semaine pendant les deux années passées, causant ainsi des dégâts de milliers d’euros et perturbant la machine à expulser. Et ils doivent trouver des preuves que cet « instigateur » est assis aujourd’hui sur le banc des accusés.

Cette preuve ne se trouve dans aucun des mandats d’arrêt que nous avons ici. Et il ne peut pas être trouvé parce qu’il n’y a jamais eu d’« incitation » et il n’était pas nécessaire ou juste qu’une telle incitation soit effective. Principalement parce que les gens n’ont pas besoin d’appels et de slogans charmants pour se révolter. Au contraire, c’est l’injustice qui produit des conflits, qui peuvent à leur tour mener à des révoltes.

Et voici l’injustice, une injustice évidente. Ils prétendent que des gens qui ont tout risqué pour atteindre nos villes sont expulsés sans dire un mot. Ou que des gens exploités pendant des années dans des champs ou des cuisines de restaurants à la mode se laissent jeter. Ou que ceux qui sont arrivés ici enfants et qui n’ont personne qui les attends dans leurs pays d’origine se laissent aussi expulser en silence. Et comme si ce n’était pas assez pour générer le conflit, à l’intérieur des CIE [équivalent des CRA en Italie] des sans-papiers sont privés de tout, réduit à un simple corps laissé pour mort en l’absence de traitement médical ou par désespoir, un corps battu ou abusé sexuellement - particulièrement quand les femmes sont impliquées.

Si tout cela est vrai - et vous constaterez que c’est le cas dans le dossier même de ce procès - le conflit dans les CIE est non seulement naturel mais est aussi le seul moyen par lequel les migrants emprisonnés peuvent réaffirmer leur humanité, qui leur est niée.
Pour cette raison, les migrants ne nous ont pas attendus, ni nous ni personne d’autre, pour commencer à lutter et essayer de surmonter ou détruire ces murs. Et ils n’ont pas cessé de le faire, ridiculisant ceux qui nous ont arrêtés dans l’espoir pathétique d’apporter la paix là où la paix ne pourra jamais être.

Il n’y a jamais eu de besoin d’« incitation » extérieure parce que les moyens et les voies de la lutte doivent être autonomes, la lutte doit refléter les expériences et les conflits de ceux qui sont enfermés, elle doit trouver ses propres temps et expressions. Il n’aurait pas été juste de dire : « maintenant vous allez participer à la grève de la faim » ou « demain vous brûlez deux ou trois matelas » - comme le revendique stupidement le procureur.

Au contraire, ce que nous avons toujours dit est : « nous sommes là ». Autrement dit, nous avons offert nos moyens d’informations et nos réseaux de contacts, nous avons encouragé les relations entre les différentes luttes dans les prisons, nous nous sommes présentés pour amplifier les voix des prisonniers du mieux que l’on pouvait, nous avons promu nos initiatives en même temps que celles à l’intérieur des CIE. Tout cela peut certainement affecter le cours des événements, mais appeler cela une « incitation au crime » est d’une connerie typique de la police italienne, et cela est presque une offense.

Pour vous dire la vérité entière, même si cela pourrait vous sembler étrange, c’est en fait les prisonniers qui nous ont « incités » ces derniers mois, et ils l’ont fait d’une façon très simple, en révélant leurs histoires pour que nous puissions en parler, en s’organisant dans le secret pour que les photos de tabassages et les films à charge contre la police soient connus à l’extérieur, en nous apprenant que l’on peut s’élever sur un toit et crier « liberté ! » même quant on sait que la réponse sera un sévère passage à tabac. Les images terrifiantes de soldats chargeant à l’intérieur des cages de la prison pour étranger de Gradisca sont des images qui nous obligent à agir, parce qu’elles mettent notre conscience face à un mur.

Le vrai problème de cette ville, donc, n’est pas « qui incite qui » ; le problème c’est ceux qui ne se laissent pas être incités, ceux qui voient, et continuent comme s’ils n’avaient rien vu.

Traduit par nos soins de l’anglais.
Trouvé sur la Base de données anarchistes.