vendredi 2 avril 2010

Ultimatum à Crépy-en-Valois : les Sodimatex prêts à allumer la mèche



La tension est montée d’un cran vers 10 heures, vendredi, sur le site de l’usine de moquettes pour automobiles Sodimatex, à Crépy-en-Valois (Oise), lorsque les salariés qui occupent les lieux depuis jeudi soir ont appris que la table-ronde qu’ils espéraient devrait être repoussée en soirée. Finalement, alors que les esprits commençaient à s’échauffer, cette réunion a finalement été annoncée pour la fin de matinée.

Depuis la veille, une quarantaine de salariés se sont retranchés et menacent de faire sauter une citerne de gaz pour réclamer un meilleur plan social après la fermeture programmée de leur entreprise. En tout début de journée vendredi, ils ont même installé une petite bonbonne de gaz agrémentée d’un dispositif incendiaire, sur le toit de l’usine, à l’aplomb de la grosse citerne de gaz, elle-même entourée de palettes prêtes à être enflammées. Puis, à l’annonce de l’éventuel report de la table-ronde, ils ont carrément incendié une benne à ordures très proche des locaux de l’entreprise et se disent être en mesure de déclencher à distance l’explosion de la citerne et ont déployé des draps et des rouleaux de moquette pour empêcher les forces de l’ordre d’observer leurs mouvements. Les pompiers, protégés par les gardes mobiles, sont intervenus pour circonscrire l’incendie.

Tandis que l’adjoint au maire, Bruno Fortier tentait de calmer les esprits, les salariés ont finalement appris que la réunion serait à nouveau prévue en fin de matinée. Cette table ronde cruciale doit se tenir sous l’égide du préfet. Selon Bruno Fortier, cette réunion à laquelle il devrait assister réunirait les avocats des deux parties (de l’employeur et du comité d’entreprise), six délégués du personnel et un conciliateur. Bernard Trèves, PDG du groupe Trèves, qui a racheté l’usine dans les années 1990, pourrait également être présent de même que la directrice des ressources humaines.

Certains salariés ont dormi à même les gros rouleaux de moquette, d’autres ont veillé tard sur quelques chaises à discuter de leur sort. La fermeture de l’usine, qui emploie 92 salariés, a été annoncée le 10 avril 2009. Depuis, les négociations sur le plan social entre la direction et les salariés ont échoué.

«On n’est pas des voyous» (sic)

Jeudi soir, les Sodimatex ont expliqué avoir installé des palettes autour de la citerne de gaz extérieure qui sert à alimenter leurs charriots élévateurs et se sont dits prêts à y mettre le feu pour la faire sauter. En désespoir de cause, cette citerne est devenue leur dernier moyen de pression pour tenter de négocier avec leur patron un plan social digne de ce nom.

«On n’est pas des voyous, on est des êtres humains. Fatigués, dépités, déprimés mais toujours motivés», lance François Heindryckx, 42 ans, dont 21 chez Sodimatex. Avec ses collègues, il repasse le film de cette journée de jeudi qui devait être «une petite grève symbolique» et s’est terminée en camp retranché.

Mardi, «on nous a envoyé un conciliateur qui a proposé une prime de 15'000 euros», explique son collègue Fabrice Bel, 32 ans dont 10 ans de maison. Pour les ouvriers de Crépy, pas question de partir avec moins que leurs collègues d’une autre usine Sodimatex, liquidée en 2006, qui avaient obtenu 21'000 euros en plus des indemnités légales.

«Ils ont envoyé les gendarmes mobiles»

«Ce qui a déclenché tout le bordel, c’est quand ils ont envoyé les gendarmes mobiles», lance Fabrice Bel. À la mi-journée, les salariés ont occupé le rond-point devant l’établissement, mais quand les gendarmes mobiles sont arrivés pour les dégager, ils se sont enfermés dans l’usine, barricadant l’entrée. Puis, ils ont menacé de faire sauter la citerne. Le patron des gendarmes de l’Oise, le colonel Ronan Le Floc’h s’est rendu sur place. La situation qui était particulièrement tendue s’est légèrement apaisée dans la soirée.

«Je pensais jamais en arriver à ce point-là», lâche Jean-François Nicol, qui comptait sur la relance du secteur équipementier pour élever bon an mal an ses trois enfants, dont le plus âgé a 11 ans.

Les Sodimatex ont commencé à avoir des soutiens et notamment celui, jeudi soir vers à 21 heures de Xavier Mathieu, leader charismatique des Continental, venu soutenir leur action. Un peu plus tôt dans la soirée, la mairie de Crépy-en-Valois avait ravitaillé les ouvriers en victuailles pour tenir toute la nuit. Vendredi matin, tous attendent et espèrent que la situation pourra évoluer positivement grâce à la table ronde.

Le Parisien, 2 avril 2010

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Sodimatex : des cocktails Molotov disposés autour de la citerne de gaz

Des salariés de l’équipementier automobile Sodimatex de Crépy-en-Valois (Oise) ont placé vendredi matin des cocktails Molotov autour d’une citerne de gaz qu’ils menacent de faire exploser pour réclamer de meilleures indemnités de licenciement, a constaté l’AFP.

Une table-ronde sur le plan social touchant cette usine de 92 salariés, réunissant notamment les représentants des salariés et la direction du groupe Trèves, propriétaire de Sodimatex, ainsi que le directeur départemental du Travail, doit se tenir à 12H30 à la mairie de Crépy-en-Valois, selon les salariés et la préfecture.

Les salariés «attendent beaucoup de la réunion. Il faut qu’on ressorte avec du concret, sinon je ne garantis rien. Ils sont déterminés», a déclaré Éric Lemoine, de la CFDT. «Ou on sort avec quelque chose qui convient, on déroule la procédure et au revoir, ou je ne sais pas… il y a la bombonne… Là, c’est tendu», a-t-il averti.

«Même si on leur dit de ne pas le faire (d’allumer la citerne, NDLR), y’en a qui sont ingérables», a quant à lui expliqué Gérard Decleir, syndicaliste Force ouvrière.

Selon des salariés, la citerne, dont le gaz sert à faire fonctionner les chariots élévateurs, a été approvisionnée il y a peu. «Si ça pète, ça soufflera pas que l’usine. Tant pis, s’ils veulent en arriver là», affirment-ils.

Les salariés faisaient brûler des balles de fibres de plastique et des rouleaux de moquette à l’extérieur de l’usine qui dégageaient d’impressionnants panaches de fumée noire.

Déterminés à ne pas se laisser «attaquer», certains ont placé sur le toit de l’usine des cocktails molotov, preuve de leur «détermination».

Les forces de l’ordre étaient toujours positionnées autour de l’usine, et les salariés obstruaient les grilles avec des rouleaux de moquette pour les empêcher de voir dans l’enceinte du site.

Les salariés de l’usine, dont la fermeture est programmée, réclament notamment 21'000 euros de prime extra-légale pour tous.

Le secrétaire d’État au Logement Benoist Apparu a dénoncé vendredi le «chantage» exercé par les salariés de l’équipementier automobile.

«Je n’ai jamais compris le chantage dans le dialogue social. C’est totalement contradictoire !», a déclaré M. Apparu sur i-télé, réagissant aux propos d’un délégué CGT.

«Il y a en France des tribunaux qui sont là pour arbitrer entre des syndicalistes et des salariés qui ne sont pas contents, et des patrons qui ne font pas respecter le dialogue social», a-t-il fait valoir.

«Ça c’est le droit, ça c’est la France, ça c’est une démocratie. Mais dire : “je vais faire sauter (l’usine, ndlr) si j’ai pas mes 20'000 euros”, ce n’est pas une démocratie», a-t-il ajouté. (t'as tout compris couillon !)

(AFP), 2 avril 2010.

Repris du Jura Libertaire.