Cela fait déjà quelques temps que nous sommes présents sur ce marché, avec notre table de presse, nos sourires (parfois) et nos yeux fatigués (toujours). Comme beaucoup le savent déjà, nous sommes là pour parler de nos idées, les diffuser, faire connaitre des textes sous forme de brochures qui nous paraissent importants, faire des propositions, toujours sans médiation. Cependant une question nous revient souvent, « c’est quoi les anarchistes ? ».
On connait mal les anarchistes, et souvent on croit connaitre leurs idées alors qu’en fait nous n’en entendons parler que par le biais de faits divers (sabotages, émeutes, actions directes) transmis par la police aux journalistes, qui eux-mêmes redistribuent l’« information » au plus grand nombre. Jamais pourtant ces « informations » n’ont réellement abordé le fond de la pensée de ceux qui luttent pour l’anarchie, hormis dans le but de désinformer et stigmatiser pour mieux réprimer ensuite. On nous parle souvent de l’affaire de Tarnac et des sabotages de caténaires SNCF dont les médias parlaient tant il y a quelques temps, ou encore de la campagne récente de sabotage de distributeurs de billets de banques balances en solidarité avec les sans-papiers.
Les anarchistes en fait ont à cœur de comprendre pourquoi la terre et tout ce qui s’y trouve ne constitue pas un héritage commun à tous ceux qui la peuplent. Pourquoi certaines personnes ont fait le choix de se l’approprier et de la léguer à leurs héritiers ? Pourquoi, selon le bout de terre, exécute-t-on celui qui vole pour survivre ? Pourquoi enferme-t-on des gens qui n’ont pas le bon bout de papier ? Pourquoi traite-t-on les femmes comme des sous-hommes ? Pourquoi alors qu’une majorité est exploitée, une minorité tient les rennes de cette exploitation ? Il y a encore beaucoup de questions comme celles-la... Mais parmi elles, la plus importante est certainement : Pourquoi les dominés du monde entier acceptent-ils ce sort alors qu’il suffirait qu’ils se révoltent pour vaincre la minorité de dominants ?
Pour comprendre les idées des anarchistes, il suffit d’imaginer un monde dans lequel l’entraide remplacerait domination et concurrence. Ce monde n’est pas celui que nous connaissons.
Les anarchistes font partie de ceux qui sont en guerre contre l’existant, cet état du monde qui fait froid dans le dos ; qui ne veulent plus accepter cet ordre fou des choses, ce statu quo, qui en imposant sa paix impose la censure de nos désirs. Cette paix qui ne peut que s’imposer par la violence de l’Etat et de l’économie entre directement en conflit avec nos aspirations de liberté, avec la nécessité indivisible de combattre au quotidien. Et comme le disait en 1854 l’anarchiste Joseph Déjacque (que vous avez certainement déjà croisé sur notre table), « par le bras et le cœur, Par la parole et la plume, Par le poignard et le fusil, Par l’ironie et l’imprécation, Par le pillage et l’adultère, Par l’empoisonnement et l’incendie », les anarchistes combattent depuis des siècles la domination et l’autorité.
Nous sommes contre toute forme d’Etat et d’institutions, nous détestons la société parce qu’elle ne fait qu’opprimer les individus qui la composent, nous voulons détruire les prisons parce que l’enfermement sert à notre neutralisation sociale, parce qu’il n’a jamais rien réglé en profondeur, parce que nous ne supportons plus que la société se venge contre nous ou tous ceux qui ne supportent plus ce monde.
Si tout cela ne te fait pas peur, si comme nous tu penses que le jeu en vaut la chandelle, jette ce bout de papier et regarde autour de toi : la domination est partout : agences d’intérim, pôle emploi, boutiques de luxe, commissariats, palais de justice, centres de rétention, prisons, usines, supermarchés, expulseurs, vigiles, tous tirent profit de ta domination. Tous doivent payer pour les marques sur nos mains, pour les blessures mentales et physiques dont ils ont parsemé nos corps et nos esprits.
Et tant que ce monde existera, nous prônerons la haine de ce monde.
Et tant que ce monde existera, nous continuerons de diffuser nos idées ici comme ailleurs, alors discutons un peu.
Des anarchistes.
[Tract trouvé sur un marché quelque-part dans le nord-est de Paris.]
Source et PDF : http://nantes.indymedia.org/article/20766